Présentation de l’Association Française de Thérapie Psychomotrice (février 2018)
Le 6 mai 2017 a été fondée l’Association Française de Thérapie Psychomotrice. Sans but lucratif, elle a pour objet de favoriser, diffuser et organiser des actions susceptibles de proposer une réflexion, promouvoir, former à et transmettre la thérapie psychomotrice et valoriser :
➢ Les interventions publiques ou privées lors de conférences sur des sujets liés à l’approche corporelle, aux différentes thérapies existantes, ainsi qu’aux médiations corporelles, artistiques ou culturelles.
➢ L’organisation, la réalisation, la production et la diffusion, également pour le compte d’un tiers, d’écrits, de manifestations, expositions, courts et longs métrages et ateliers en lien avec les initiatives et les valeurs de l’association.
➢ La promotion et la mise en place de cours (théoriques et pratiques) dans le cadre de la formation professionnelle et de l’analyse des pratiques professionnelles, ainsi que de séminaires, expositions, soirées…
L’adhésion est ouverte aux psychomotriciens diplômés d’état exclusivement et est subordonnée à parrainage par l’un de ses membres avec validation en Conseil d’Administration.
L’AFTP est présidée par Eric Pireyre. Lydie Roussel en est la vice-présidente, Lola Fiatte la secrétaire et Agnès Bousquet la trésorière.
Vous pouvez commencer les démarches d’adhésion par mail à : asso.f.t.p@gmail.com (précisez votre année de DE). L’adhésion annuelle a été fixée à 20 euros.
Les premières décisions ont porté sur l’organisation :
- D’un cycle de trois conférences dont le thème est la thérapie psychomotrice (dates à fixer)
- D’un atelier pratique sur les percussions et le rythme
- D’un colloque portant sur la thérapie psychomotrice (automne 2019). Cette manifestation sera localisée à Paris et donnera exclusivement la parole aux psychomotriciens exerçant la thérapie psychomotrice. Une place importante sera donnée à la vidéo.
Ces activités ont été pensées et conceptualisées ensemble. Les membres de l’association peuvent également proposer d’autres activités.
La thérapie psychomotrice appartient aux psychomotriciens. A eux de la développer. Nous pensons cette association comme un espace de liberté. Liberté de penser, de créer, de vivre et d’habiter la psychomotricité chacun à sa façon.
On dit souvent que la psychomotricité est une jeune profession. Si c’est en effet la dernière arrivée des formations du monde de la santé[1], on ne peut pourtant plus dire qu’elle débute. Les premiers Instituts de Formation en Psychomotricité (les « IFP ») ont été créé à la fin des années 60. Le diplôme d’état date de 1974, le décret de compétences de 1988 et le statut d’auxiliaire de la médecine de 1994. Le premier programme officiel des études est entré en vigueur en 1974, le second en 1998 et le troisième (la « réingénierie ») est en cours de validation auprès des instances gouvernementales. La comparaison des contenus de ces trois documents montre à l’évidence comment ce métier a acquis ses compétences thérapeutiques. Partie du constat que les liens, parfois pathologiques, entre le corps et l’esprit nécessitaient une approche spécifique et confrontée au double problème de la multiplicité de ses origines et de la brièveté de ses études, la psychomotricité s’est considérablement développée[2]. Les psychomotriciens interviennent auprès de nombreux types de patients et de pathologies. On évoque même souvent les « pratiques avancées » que des professionnels pionniers défrichent patiemment et efficacement. L’avenir est radieux pour cette profession qui a su montrer son utilité.
Pour autant, il n’y a pas UNE psychomotricité. Il y a des psychomotriciens qui exercent à leur façon et avec ce qu’ils sont. Ils s’engagent corporellement auprès de leurs patients et sont capables d’élaborer leur pratique pour la publier dans de nombreuses revues. Chacun s’estime - ou pas - « thérapeute en psychomotricité » ou – voire et/ou - « rééducateur en psychomotricité ».
Qu’est-ce que la thérapie psychomotrice[3] ?
On a vu précédemment que lorsque le corps s’exprime, il évoque très souvent l’archaïque. Le psychomotricien est formé à l’écoute et à la prise en compte de ce phénomène. Ses modalités d’exercice professionnel, choisies par lui-même, le conduisent à en tenir compte ou non. S’il le souhaite et s’il présente de façon adaptée son mode d’approche à son patient et que ce dernier l’accepte, il aura une fonction psychothérapeutique. Reste à savoir en quoi[4].
Cette question est cruciale pour la profession qui n’assume le plus souvent pas son rôle thérapeutique. Ou attend l’« onction » des autres professionnels (médecins ou psychologues). Si la compétence individuelle du psychomotricien doit être « couronnée » par l’onction, la valeur thérapeutique de la psychomotricité ne devrait plus être mise en doute de nos jours. En prenant en compte les mécanismes originels archaïques, la thérapie psychomotrice influence grandement le fonctionnement psychique du patient. Des changements profonds, mais aussi superficiels, peuvent survenir. On modulera, mais sans rien enlever du fond, avec la notion de changements superficiels et profonds :
- « L’opposition entre psychothérapie et thérapie[5], ou entre changement superficiel et profond n’est qu’un artifice qui persistera tant que l’on adhérera strictement à l’une des écoles qui cloisonne le champ de la psychothérapie[6]. En réalité, changements superficiels et profonds ne s’excluent pas mutuellement et peuvent alterner en fonction des phases que traverse le patient. On ne peut affirmer a priori qu’une intervention donnée produira un changement plus ou moins profond par rapport à d’autres interventions : ce que peut faire un thérapeute, quelle que soit son école, est de mettre le client en condition pour amorcer sa propre réorganisation. Ce qu’il ne peut faire c’est contrôler et déterminer quand, comment et avec quelles conséquences le changement aura lieu » (Chambon, 2010).
La thérapie psychomotrice, en donnant au patient l’opportunité de se confronter, plus ou moins consciemment et à son propre rythme, aux phénomènes archaïques profonds, n’est pas assurée de provoquer de profonds changements. Ces derniers peuvent se révéler superficiels. Seule l’évolution ultérieure du patient pourra le dire. Le psychomotricien peut juste être assuré de la survenue de changements si le processus thérapeutique se déroule correctement. Or, le changement, profond ou superficiel, n’est-il pas ce que recherche le patient (diminution de la souffrance, de ses angoisses, de ses inadaptations comportementales etc.) ?
Puisqu’il nous faut nous référer, pour mieux nous ancrer par la suite, à la psychothérapie conceptualisée, voyons les définitions relayées par Chambon :
- « La psychothérapie constitue toujours une rencontre entre deux ou plusieurs personnes, dans laquelle l’une se définit ou est définie comme ayant besoin d’aide et demande à être soignée ou à changer, alors que l’autre possède et est reconnue pour avoir des qualités personnelles déterminées et un corps de connaissance théorique et technique, qu’elle utilise pour aider l’autre à produire un changement » (Giusti, 1995).
- La psychothérapie est un processus interactionnel conscient et planifié visant à influencer les troubles du comportement et les états de souffrance qui, dans un consensus (entre patients, thérapeute et groupe de référence), sont considérés comme nécessitant un traitement par des moyens psychologiques (par la communication) le plus souvent verbaux, mais aussi non verbaux, dans le sens d’un but défini, si possible élaboré en commun (minimalisation des symptômes et/ou changement structurel de la personnalité), au moyen de techniques pouvant être enseignées sur la base d’une théorie du comportement normal et pathologique. En général, cela nécessite une relation émotionnelle solide » (Strotzka, 1978).
Ces deux définitions sont assez généralistes mais permettent à la psychomotricité de s’y glisser sans difficulté si l’on considère qu’une prise en charge en psychomotricité vise bien à soulager un patient de sa souffrance par le recours à des procédés verbaux et non verbaux (le dialogue tonico-émotionnel) au moyen de techniques (les médiations) enseignées ou apprises, sur la base d’un enseignement académique du comportement normal et pathologique. De plus, la formation pratique du psychomotricien lui permet de repérer son style personnel de régulation émotionnelle.
Revenons à Chambon :
- « Toute psychothérapie agit sur l’une des cinq cibles (suivantes[7]) : le contexte social et interpersonnel, les cognitions (images, représentations, fantasmes, pensées, croyances), les affects (et les émotions), les comportements, et les sensations. Même si la plupart des psychothérapies expliquent leur efficacité par leur action privilégiée sur l’un de ces aspects, chacun d’eux est en interaction dynamique avec les autres et chaque type de psychothérapie, en agissant sur un seul de ces facteurs, agit finalement sur l’ensemble de ceux-ci. »
La notion d’interaction des cinq aspects proposés par Chambon est fondamentalement à l’œuvre lorsque l’outil thérapeutique utilisé par le psychomotricien est la prise de conscience du corps (Pireyre, 2015). Allons plus loin encore avec Chambon et écoutons-le décrire les « psychothérapies à orientation psychocorporelle » (qu’il appelle aussi « psychothérapies de l’unité psychocorporelle »)[8] :
- « L’organisme humain est une réalité psychocorporelle intégrée.
- Chaque évènement psychique se manifeste à un niveau corporel à travers des tensions musculaires et somatiques qui sont des défenses contre l’angoisse et les émotions qui pourraient surgir de façon incontrôlée.
- Les blocages musculaires signalent les émotions réprimées et comment elles sont bloquées.
- L’excitabilité et le vagabondage cérébral créent une scission entre le corps et le psychisme et provoquent une coupure vis-à-vis du vécu et des besoins corporels.
- Il faut aider le patient à prendre conscience de son corps, à libérer les émotions réprimées pendant l’enfance.
- Soulagement des tensions corporelles, expression émotionnelle et insight sont les trois facteurs déterminants du changement.
- Les techniques utilisées sont : les mobilisations de toutes les parties du corps, les massages, la respiration, les mouvements, les vocalisations, la position d’enracinement, la relaxation, la visualisation, la méditation.
- Le thérapeute oriente continuellement le patient, il observe les réticences à la détente, stimule l’attention et la conscience, donne des instructions ou des conseils.
- Les indications : patients qui ont du mal à libérer leurs émotions, bloquées par l’anxiété, qui ont perdu contact avec leur propre corps, patients sans graves troubles psychiques, états anxieux ou névrotiques engendrés par des problèmes existentiels.
- Le travail corporel peut cependant faciliter le contact avec certains psychotiques. »
Même si Chambon ne fait aucune allusion explicite à la psychomotricité dans ces lignes et si le vocabulaire utilisé n’est pas le leur, certains psychomotriciens s’y retrouvent assez facilement. Il est donc temps d’affirmer que la psychomotricité, pour peu que le psychomotricien l’assume et s’en donne les moyens (supervisions, analyse des pratiques professionnelles, formations à de nouvelles médiations…) est une technique psychothérapeutique. Il est alors temps d’en préciser les contours.
Définition de la thérapie psychomotrice
La thérapie psychomotrice s’exerce, en institution ou en cabinet, dans le cadre d’une relation interpersonnelle entre un psychomotricien diplômé d’état et une ou d’autres personne(s) – enfant ou adulte - en souffrance, qui a(ont) une demande d’aide et s’insère(nt) authentiquement dans un projet personnel de changement.
Le psychomotricien prend en compte le contexte social et la subjectivité de son patient et s’appuie sur sa formation académique et personnelle et sur une ou plusieurs théories qui guident ses interventions. Il utilise des moyens corporels et verbaux (des médiations) pour viser des changements plus ou moins profonds dans le fonctionnement de son patient et dans les domaines suivants :
- Représentations : images, idées, souvenirs et croyances
- Emotions
- Sensations
C’est l’engagement corporel qui caractérise l’intervention du psychomotricien. Toujours proposé au patient et réalisé, il implique souvent le psychomotricien.
La thérapie psychomotrice étant plutôt orientée vers le traitement des troubles de la représentation du corps d’origine psychique mais aussi physique, elle vise à des modifications de l’image inconsciente du corps.
Le patient est conduit à prendre conscience de ce qui se passe ici et maintenant en lui et dans le cadre de la relation thérapeutique. L’approche est donc subjectivante.
Les principales compétences thérapeutiques du psychomotricien sont les suivantes :
- Etre maître de ses émotions et des différents canaux du dialogue tonico-émotionnel (en expression par son propre corps et en lecture dans le corps de son patient)
- Avoir suffisamment confiance en lui
- Etre plutôt non directif
- Formuler des objectifs thérapeutiques réalistes
- Recourir à un cadre thérapeutique clair, stable, repérable et aisément supportable (au moins dans un premier temps)
- Installer une bonne alliance thérapeutique
- S’engager corporellement
- Etre modeste et positif et savoir respecter le rythme propre du patient
- Ressentir et témoigner de l’empathie à son patient, verbalement mais aussi corporellement
- Inviter, encourager son patient à s’exprimer verbalement et/ou corporellement, poser des questions ouvertes et respecter ses moments de silence
- Résister aux pensées et aux émotions éventuellement difficiles pour le patient lui-même
- Supporter et transformer ces vécus difficiles en échanges constructifs et compréhensibles par le patient. C’est une compétence d’élaboration
- Recourir aussi fréquemment que nécessaire à la verbalisation et à l’interprétation
- Regarder le patient, se regarder lui-même en tant que clinicien et en tant que personne et se regarder à l’intérieur de lui-même
Les buts de la thérapie psychomotrice peuvent être :
- Une meilleure « habitation » de son corps par le patient
- L’accroissement de l’estime de soi
- L’adoption de nouveaux comportements
- La modification de la régulation émotionnelle
L’image du corps et ses troubles, donc les phénomènes archaïques, sont entrés dans le champ d’exercice de la psychomotricité depuis le décret de compétences de 1994. Il s’agit là d’un terrain évident pour la thérapie psychomotrice.
Bibliographie
Chambon, O. (2010). Les bases de la psychothérapie. Paris : Dunod.
Pireyre, E. W. (2015). Clinique de l’image du corps. Paris : Dunod.
[1] Qui sont reconnues et validées par un diplôme d’état.
[2] Elle s’adaptera sans aucun doute aux bouleversements théoriques qui surviennent de nos jours.
[3] Ce chapitre sera largement étayé par Chambon (2010) entre autres.
[4] Si l’usage du terme de « psychothérapeute » est depuis 2010 protégé en France et s’il n’est pas possible de se revendiquer – au quotidien clinique - psychothérapeute pour un psychomotricien qui ne remplit pas les conditions prévues par la loi, il n’est pas interdit de revendiquer cette appellation dans un travail théorique dans l’espoir que la loi puisse être un jour changée. En attendant, nombre de collègues se déclarent « thérapeutes » ou « thérapeutes en psychomotricité » ou encore « thérapeutes à médiation corporelle ».
[5] On notera au passage cette assertion capitale de Chambon qui éclaire autrement la note 78.
[6] Revendiquer un rôle psychothérapeutique à la psychomotricité nécessite d’étudier la nature même des – de la – psychothérapie(s). D’où la référence à Chambon.
[7] Note de l’auteur.
[8] Il ne fait pour autant pas du tout référence à la psychomotricité.