Le bébé Banane

Y. a 7 ans. Sa précocité a induit des écarts de maturité et une dysharmonie entre les différentes lignes de son développement. Ainsi elle est très en avance sur le plan des apprentissages scolaires, intellectualise tout, par contre affectivement elle reste immature, ne sait pas se défendre ni aller jouer avec les autres enfants et n’est à l’aise qu’avec les adultes ou les tout petits. Elle pleure donc tous les jours en allant à l’école, fait des cauchemars et pipi au lit. Y. se déprécie quand elle n’arrive pas à faire quelque chose. C’est en effet paradoxal de tout bien « comprendre » mais de ne pas toujours arriver à « faire » et d’avoir un psychisme de grande dans un corps de petit. Enfant unique, Y. est surprotégée par sa mère, particulièrement anxieuse mais étouffante et exclusive. Les parents en parlent de plus en plus facilement et évoluent en parallèle sur ce terrain au fur et à mesure de nos entretiens (je les vois 5 minutes après chaque séance de Y..

La psychothérapie s’est déroulée en quelques mois et les progrès rapides ont été à la hauteur de sa motivation. Y. s’est réharmonisée, a développé ses défenses et sa capacité à entrer en relation avec ceux de son âge, l’énurésie a disparu en même temps que les autres signes d’anxiété et d’immaturité. Y. est donc sortie d’une dépression qui la figeait dans son développement affectif.

Un bébé banane ou in utero pour se séparer :


Ce dessin sera le premier et le dernier. Pour sa dernière séance, je lui ai demandé si elle veut bien faire un dessin imaginaire pour me dire au revoir.
Ce dessin représente le ciel dans lequel au milieu des nuages et du soleil, flottent un bébé banane qui joue chez lui et qui est très heureux ainsi que des escargots cachés dans leur maison ronde pour l’un et carrée pour l’autre. La maison du bébé est bien curieuse mais je n’ai pas d’autre explication, par contre elle ajoutera un escalier et deux portes après lui avoir demandé comment l’enfant faisait pour sortir de sa maison sans issue.

- La première interprétation vient de ses paroles, pendant qu’elle dessine puisqu’elle parle de ses peurs qui ont disparu, c’est-à-dire des défenses qu’elle a développé et qui l’aident à se sentir bien dans ses relations et quand elle sort de chez elle. Cela m’évoque la construction de ses défenses, comme la peau de banane protège et enveloppe et cette maison dont les murs sont contenants et molletonnés. Idem à l’extérieur aussi les maisons coquilles d’escargot que l’escargot emporte avec lui. L’escalier et les portes ajoutés après ma remarque permettent de revenir sur terre et donner accès au A d’Arrivée en rouge (c’est elle qui précise).

- J’apprend juste à la fin ce rendez-vous, sur le pas de la porte en parlant avec sa maman que celle-ci est enceinte et que toute la famille est très heureuse et qu’elle serait ainsi moins sur son dos.
Ce dessin prend alors après-coup un deuxième sens que j’ai gardé pour moi. Y. n’était sans doute pas dupe de cette deuxième interprétation. De façon étonnante son dessin ressemble bien à un fœtus in utero auquel elle a ajouté une issue pour sortir ! Le dessin du bébé réunit donc à la fois une sécurité intérieure retrouvée avec le sourire, une identification féminine, le chemin labyrinthique parcouru par elle au cours de sa psychothérapie pour arriver à l’Arrivée et enfin, la conception de ce frère ou de cette sœur dont la future arrivée confirme que la maman accepte maintenant que Y. grandisse bien séparément d’elle et sans sa surprotection qui la maintenait immature.

Nous pouvions bien nous séparer, Y. doit continuer seule son chemin vers la maturité et l'harmonie de sa personnalité.

Ph. S.