Le cracheur de feu qui bégayait :
A., 5 ans, n’a pas confiance en lui. Ses apprentissages scolaires sont retenus, il arrête systématiquement ce qu’il commence par peur de rater et se braque ou fait des colères quand il est frustré.
A. a refusé de participer à la fête et au spectacle de fin d’année pour ne pas s’exposer devant les autres lors du spectacle. Il a de nombreux cauchemars et peurs. Le langage n’est pas fluide et
présente un retard et surtout il bégaie et a des tics au visage.
Ses parents sont séparés depuis une année. La relation avec sa mère est conflictuelle au quotidien car elle est seule pour l’éduquer. Son père venant rarement le voir, parfois après avoir promis de
passer il ne vient pas sans prévenir alors qu’il est tant attendu par son fils répétitivement déçu.
Une année de psychothérapie a permis à A. de régler la plupart de ses difficultés liées à son anxiété et de se reprendre en main sur tous les plans. Voici quelques rêves et cauchemars par ordre, qui
ont été dessinés et le dernier représenté ci-dessus :
1er rêve
« Un papillon qui n’avait pas d’amis. Il rencontre quelqu’un. Ca y est ! il a un copain. Il grandit le papillon ! » (il s’agissait sans doute de notre relation thérapeutique qui
s’établissait lors de la deuxième séance seul avec moi).
2eme rêve : le cauchemar du dragon
« Le dragon crachait des flammes sur moi. J’étais mort. J’ai pleuré. »
Nous sommes à la moitié de sa thérapie. Il va mieux, ne s’oppose plus, accepte les règles, son langage s’améliore, mais il reste assez phobique dans beaucoup de situations.
Ce cauchemar peut s’interpréter sans risque ainsi : Ce qui sort de la bouche (le feu du dragon, la parole du père qui n’est pas tenue, les paroles des adultes, l’affirmation de soi ou de ses désirs,
les mots...) reste dangereux pour A. Une série de dessins autour du feu sortant de la bouche fait suite à celui-ci, confirmant cette interprétation, puis aboutissant au dernier rêve. A. a produit un
travail psychique, autour de ce thème de cracher du feu, lui ayant permis de grandir et de mieux se débrouiller avec ses peurs et inhibitions. A la fin de sa psychothérapie, A. ne présentait plus les
symptômes précédents (bégaiement, tics, inhibition scolaires, colères, peurs). Le seul problème qui n’a pas changé demeure celui du père avec lequel A. aura encore à apprendre à ne pas compter sur
lui ni à attendre de lui ce que ce père ne peut pas lui donner en sécurité et en parole sûre. Sans doute aurais-je à le revoir à l’adolescence ?
Dernier rêve et dessin : « je grandis » (voir dessin ci-dessus)
« C’est un combat entre un méchant (à G sur le dessin) et moi (à D). Je crachais du feu (jaune orange) et de la fumée. A la fin j’ai eu la coupe. Tout autour de moi (les personnages autour le
long du rectangle qui les entoure), il y a les gens qui regardent. Ils se disent que c’est le gentil qui a gagné ! Après j’étais plus grand et je jouais avec des copains et je crachais toujours du
feu. »
Freud avait raison, le rêve exprime les désirs et les conflits. Ici les désirs sont devenus réalité les paroles sortent de sa bouche sans aucune difficulté. Il a retrouvé le pouvoir de la parole pour s’affirmer dans son existence et prendre sa place.
Ph S